Intelligence et vie sociale des cochons
« Dans notre étude, les cochons ont appris à se servir des ordinateurs plus rapidement que la plupart des chimpanzés »
– Prof Stanley Curtis, éthologue (Université de Pennsylvanie)
Histoire
Les cochons, comme les sangliers, les phacochères ou les pécaris, sont des mammifères de la famille des suidés, des animaux dont l’ancêtre commun a vécu il y a environ 30 millions d’années. Ils ont 4 doigts par patte et 44 dents.
Les sangliers (Sus scrofa) ont été domestiqués il y a environ 9000 ans à plusieurs endroits dans le monde et ont donné naissance aux sangliers domestiques (Sus scrofa domesticus), plus couramment appelés cochons ou porcs. Sangliers et cochons sont parfaitement interféconds.
Morphologie et physiologie
Les cochons mesurent entre 90 et 180 cm. Leur poids moyen est de 150 kg, mais ils peuvent peser jusqu’à 300 kg. Leur vitesse de pointe est de 45 km/h à la course. Leur espérance de vie est d’environ 25 ans. Ils peuvent manger une grande variété d’aliments : feuilles, tiges, racines, tubercules, fruits, fleurs, graines, champignons, oeufs, escargots, limaces…
Pour se protéger des puces et des coups de soleil, les cochons aiment prendre des bains de boue, ce qui leur a valu la réputation d’être sales. Pourtant, les cochons sont des animaux plutôt propres : ils aiment la baignade et font leurs besoins dans des endroits précis, jamais là où ils dorment ou mangent. Ce comportement leur est impossible dans les élevages, où ils sont confinés dans des espaces réduits et doivent faire leurs besoins à travers un sol grillagé, situé à proximité immédiate de leur mangeoire.
Univers sensoriel
Les cochons ont un odorat aussi développé que celui des chiens. Leur portée olfactive se compte en centaines de mètres. À la seule odeur, les cochons peuvent identifier un individu, connaître son sexe, son statut reproductif et son statut social. L’ouïe des cochons est développée. Comme les humains, ils peuvent repérer la direction d’un son avec une marge d’erreur de seulement 5°. Ils entendent certains ultrasons, jusqu’à 45 kHz. Leur acuité visuelle est correcte, mais ils voient mal les couleurs. Alors que les humains ont trois sortes de cônes dans leur rétine (des neurones sensibles au rouge, au vert et au bleu), les cochons n’en ont que deux sortes (sensibles au vert et au bleu), comme beaucoup de mammifères. Les cochons communiquent beaucoup par l’ouïe et l’odorat. Ils ont une vingtaine de cris différents à leur répertoire. Les mâles, en particulier, sécrètent des phéromones, qui peuvent parfois donner à leur chair une odeur déplaisante au goût des consommateurs. C’est pour cette raison que, dans les élevages commerciaux, les mâles sont généralement castrés.
Vie sociale
Photo de trois petits cochons Les cochons vivant à l’état sauvage, comme les sangliers, vivent en groupes familiaux matrilinéaires, comprenant entre 2 à 5 truies, leurs petits de l’année, et un verrat pendant la saison des amours. Le reste de l’année, les mâles vivent dans des groupes de mâles. Les petits âgés de plus d’un an peuvent continuer à vivre dans leur groupe d’origine, mais souvent les jeunes verrats rejoignent ou forment des groupes de mâles. Ces groupes sont hiérarchiques ; la hiérarchie sociale est généralement basée sur le poids des individus.
Les cochons savent reconnaître les autres cochons individuellement, et savent même faire la distinction entre deux cochons frères ou sœurs (donc se ressemblant) qu’ils n’ont jamais vu auparavant (Špinka, 2009).
Ce sont des animaux joueurs. Par exemple, ils apprécient beaucoup les ballons de football (Imfeld-Mueller et Hillmann, 2012) ou certains jeux vidéos.
Mémoire
Les cochons étant des animaux fouineurs, ils ont une excellente mémoire spatiale et optimisent leur recherche de nourriture en fonction de la vitesse de renouvellement des ressources. Quand il s’agit d’une ressource naturelle (des champignons, par exemple) et qu’ils ont tout mangé, ils attendent plusieurs jours avant de ré-explorer l’endroit. Quand il s’agit d’une ressource qui se renouvelle rapidement (une mangeoire réapprovisionnée plusieurs fois par jour par un humain), ils l’explorent en premier dès qu’ils commencent à avoir faim.
La mémoire épisodique, ou mémoire biographique, c’est-à-dire celle des événements particuliers dans leur contexte spatial et temporel, a été mise en évidence chez les cochons (Kouwenberg et al., 2009).
Intelligence « machiavélienne »
Couverture du livre La Ferme des animaux de G. Orwell Une jeune truie se dirige vers une source de succulentes racines, quand elle croise la femelle dominante de son groupe, plus massive qu’elle et connue pour lui chiper régulièrement de la nourriture. Au lieu d’aller jusqu’à l’emplacement des racines et creuser (à portée visuelle de sa rivale), elle poursuit son chemin dans une autre direction. Plus tard, quand la rivale s’en est allée, elle revient chercher les racines.
La jeune truie a fait ici preuve d’intelligence sociale, que les éthologues appellent « intelligence machiavélienne » quand elle consiste à tromper autrui. Ce genre d’anecdotes ont été reproduites en laboratoire, dans des labyrinthes où de la nourriture est cachée aléatoirement chaque matin. Un cochon explore seul les lieux au préalable. Ce cochon informé de l’emplacement des cachettes développe des stratégies pour ne pas « vendre la mèche » au cochon rival qu’on fait déjeuner avec lui, et qui, au bout de plusieurs déjeuners, comprend que le cochon informé en sait plus que lui (ou du moins constate, sans savoir pourquoi, qu’il a plus de succès que lui), et tente de savoir où sont les cachettes en l’observant. Le cochon informé se met à chercher la nourriture quand le rival regarde ailleurs, ou quand ils sont séparés par un panneau opaque. Certains cochons informés révèlent même une cachette de nourriture peu intéressante et vont manger le contenu d’une autre cachette plus riche pendant que le rival est occupé. En compagnie d’un cochon ami (dont ils savent qu’il ne leur chipera pas de nourriture), les cochons informés ne mettent en œuvre aucune stratégie de dissimulation (Mendl & Nicol, 2009).
Le test du miroir
Le test du miroir consiste à tester la capacité d’un animal à reconnaitre sa propre image dans un miroir. Dans sa version standard, après avoir habitué un animal à un miroir, on peint une tache colorée sur son front. À son réveil, on observe sa réaction : va-t-il se frotter le front ? Il s’agit de l’une des expérimentations permettant de mettre en évidence la conscience de soi chez un individu (d’ailleurs il a d’abord été utilisé avec des enfants humains).
Comme les cochons sont peu intéressés par les taches, une variante de ce test à été mis au point pour eux (Broom et al., 2009). 8 cochons âgés de 6 à 8 semaines à peine passent 5h dans un enclos contenant un miroir (voir schéma). Au début, ils s’énervent face au reflet, mais finissent par se calmer. Lors du test, on place (en zone 2) un bol de nourriture visible depuis la zone 3 uniquement dans le miroir (la position apparente du bol est en zone 1), puis on fait entrer à nouveau le cochon dans l’enclos, en zone 3. Les indices olfactifs sont brouillés par des ventilateurs.
Les cochons témoins (qui n’ont pas été habitués pendant 5h au miroir), contournent celui-ci et vont chercher le bol en zone 1, à sa position apparente. En revanche, sur les 8 cochons habitués au miroir, sept en ont compris le fonctionnement : ils se retournent, vont en zone 4, contournent la barrière et vont manger le bol en zone 2. L’un des cochons ne comprend pas et fait la même erreur que les cochons témoins.
Ce test indique que la plupart des cochons comprennent que le cochon qu’ils voient dans un miroir est en fait leur propre reflet.
Les cochons héroïques
Nombreux sont les cas de chiens altruistes. Des comportements similaires ont été observés chez les cochons. Ainsi, en 1998 en Pennsylvanie, lorsqu’une certaine Jo Ann Altsman a eu une crise cardiaque, LuLu, le cochon « nain » vietnamien de sa fille, a filé par la trappe pour chien dans la rue et s’est allongé en travers de la route. Quand enfin un automobiliste a osé s’arrêter et ouvrir sa portière, LuLu l’a conduit auprès de Jo Ann ; il a appelé une ambulance et Jo Ann a survécu (Fuoco, 1998).
Les cochons nageurs
En Amérique et en Australie, des cochons vivent dans la nature, comme des sangliers. C’est ainsi qu’une bande d’une vingtaine de cochons habitent une petite île des Bahamas appelée « Big Major Cay », et surnommée « Pig island » en leur honneur.