Conversation avec un perroquet
Excellents imitateurs, les perroquets comprennent aussi ce qu’ils disent et dialoguent avec des humains. Ils rivalisent ainsi avec les grands singes.
Chaque soir, lorsque nous quittons le laboratoire, Alex nous dit : «Bonsoir, je vais dîner. À demain.» Ces quelques mots seraient sans importance si Alex n’était pas un perroquet gris âgé de 22 ans et si deux décennies de travail avec lui ne nous avaient montré qu’il comprend la parole humaine. Si la communication est révélatrice de l’intelligence animale, alors Alex a démontré que les perroquets sont aussi intelligents que les grands singes ou que les dauphins.
Lorsque nous avons commencé nos recherches, la capacité cognitive des perroquets était mal connue. Les perroquets qui avaient été étudiés ne faisaient que répéter ce qui leur avait été enseigné. Pourtant cette incompréhension était facile à dépister alors que les chimpanzés de laboratoire communiquent avec l’homme par le langage des signes, par ordinateur ou par des tableaux spéciaux, les perroquets parlent à l’aide de nos mots.
Selon Nicholas Humphrey, de l’Université de Cambridge, les primates ont acquis des aptitudes cognitives et de communication avancées parce qu’ils vivent au sein de groupes sociaux complexes. Aussi avons-nous pensé que cette explication était également valable pour les perroquets gris (Psittacus erithacus): ces animaux vivent dans les forêts denses d’Afrique équatoriale, où la communication vocale joue un rôle important. Les oiseaux adultes utilisent des sifflements et des appels que les jeunes apprennent en écoutant.
En laboratoire, des perroquets se sont montrés capables de tâches symboliques et conceptuelles, souvent associées à des aptitudes cognitives et de communication complexes. Par exemple, dans les années 1940 et 1950, Otto Koehler, de l’Institut zoologique de Königsberg, et Paul Lögler, de l’Université de Fribourg, ont découvert que des perroquets qui observaient une série de huit flashes lumineux savaient ensuite sélectionner des ensembles à huit éléments. Ainsi les perroquets comprennent la représentation d’une quantité. Cette faculté est un signe d’intelligence.
Cependant d’autres zoologistes, tel Orval Mowrer, à l’Université Harvard, croyaient avoir montré l’incapacité des oiseaux à associer un vocable à un objet donné, c’est-à-dire l’absence d’une forme de communication référentielle. Un des perroquets d’O. Mowrer apprit à articuler «Bonjour» à l’arrivée de son dresseur, qui le récompensait par de la nourriture. Toutefois, le même oiseau en vint à dire «Bonjour» n’importe quand, de sorte que, ne recevant pas de récompense, il finit par ne plus dire «Bonjour» du tout. D’autres perroquets ont répété des phrases, mais la plupart de ces oiseaux n’ont rien appris.
Puisque les perroquets communiquent naturellement, nous avons supposé que les échecs répétés des tentatives d’apprentissage d’un langage référentiel étaient dus à des techniques inadaptées, plutôt qu’à une incapacité. Quelle que soit la raison, les perroquets restaient insensibles aux techniques de conditionnement classiques utilisées avec d’autres espèces. Puisque de nombreux chimpanzés qui, après apprentissage, communiquent avec l’homme n’ont pas été conditionnés selon des méthodes classiques, nous avons supposé que les perroquets montreraient mieux leurs aptitudes par un dressage approprié. Nous avons mis au point une telle méthode.