Un chimpanzé bat un homme à un jeu de stratégie : quand les animaux sont plus intelligents que les humains
Le chimpanzé est un des animaux les plus intelligents du monde, il le prouve à nouveau grâce à une équipe de chercheurs américano-japonaise. Le singe surpasse l’homme dans certains jeux intellectuels grâce à sa capacité de résoudre des problèmes dans un environnement donné.
Homme vs singe
Atlantico : Une équipe de chercheurs américano-japonaise a récemment mis en évidence la capacité des chimpanzés à surpasser les humains dans certains jeux aux règles bien définies, allant jusqu’à se rapprocher d’un niveau proche de la perfection. Dans quelle mesure ce type de trouvaille permet-il de remettre en cause la supériorité intellectuelle de l’homme ?
Anaïs Maugard : Tout d’abord, on part d’un a priori faux qui est la supériorité de l’homme vis-à-vis des autres animaux. En effet, on a souvent une représentation de l’évolution dans laquelle l’homme est l’espèce la plus intelligente, considérée comme supérieure aux autres animaux et placée au sommet de l’arbre de l’évolution
En réalité chaque espèce possède une forme d’intelligence qui lui est propre et lui permet de résoudre les problèmes qu’elle rencontre dans son environnement. Dans le cas de cette étude, la stratégie employée par les chimpanzés est clairement plus efficace que celle employée par les hommes.
Cependant, il n’est pas dit que cette stratégie mette en jeu des processus intellectuels de haut niveau. Le comportement des chimpanzés dans cette tâche peut être expliqué par un apprentissage simple des profils de réponses qui sont les plus récompensés. En revanche, la stratégie employée par les hommes qui semble moins prédictible peut être expliquée par le fait qu’ils « réfléchissent trop ». Et dans ce cas précis, ses processus cognitifs de haut niveau constitueraient plutôt un handicap pour l’homme qu’un atout.
L’humain ne serait donc pas supérieur au singe de manière absolue ? Peut-il apprendre des choses de ce dernier ?
Il n’est pas question de supériorité de l’homme sur le singe ou du singe sur l’homme. Comme je le précisais, chaque espèce ayant ses propres atouts face à l’environnement mettra en place des stratégies différentes face à un même problème. C’est d’ailleurs ce que montre l’étude de Flynn Martin dans laquelle l’homme et le chimpanzé utilisent des stratégies différentes pour résoudre une tâche similaire. Partant de là, essayer de comprendre la stratégie employée par un chimpanzé et ce qui la motive, nous pousse à essayer de penser au-delà de notre propre système pensée et c’est ce qui est fascinant dans ce métier. Plus généralement, ces animaux nous apprennent qu’il y a toujours de multiples façons de résoudre un problème qui dépendent de notre perception d’une situation.
Que penser de la théorie selon laquelle le développement des capacités cognitives de l’homme se serait fait aux dépens de sa capacité à mémoriser précisément les informations et à penser de manière stratégique ?
La capacité à mémoriser précisément des informations et la capacité à penser de manière stratégique sont deux choses très différentes. Et il est évident que l’homme possède ces deux compétences. Cependant, notre cognition est complètement façonnée par le langage ce qui induit parfois des coûts de traitement important. Par exemple, lorsqu’on demande à un humain de mémoriser une suite de chiffre réparties sur un écran, il prendra le temps de les regarder un par un, puis les répètera dans sa tête jusqu’à ce qu’il doive les restituer. Les chimpanzés entraînés à résoudre ce type de tâche développent une tout autre stratégie et ont plutôt tendance mémoriser une sorte de photographie des chiffres sans y attribuer un sens numérique. Il en résulte que l’humain sera plus long à restituer la suite de chiffre que le chimpanzé. Cependant, il faut garder en tête que les humains ayant fait ce type d’expérience ne sont pas aussi experts que des chimpanzés spécifiquement entraînés dans cette tâche, ce qui rend la comparaison difficile… Concernant la capacité à penser de manière stratégique, le langage confère à l’homme le pouvoir de s’extraire d’une situation pour l’analyser et imaginer la meilleure attitude à adopter. De plus, nous possédons une conscience aiguë des autres avec un degré d’empathie inégalé. On ne peut pas imaginer de meilleurs outils cognitifs pour penser de manière stratégique.
Quelles autres espèces animales témoignent de capacités psychiques auxquelles l’homme est incapable de prétendre ?
C’est une question très difficile à aborder puisque par essence notre propre système de pensée humain constitue notre référent. On sait que certains animaux utilisent des modes de communication spécifiques, comme le sonar chez les dauphins ou encore la communication chimique chez les fourmis. Bien que ces types de traitement nous soient étrangers, ça ne veut pas dire qu’ils sont supérieurs à ceux que nous utilisons mais simplement qu’ils sont différents. Dans mon approche de psychologie comparée, les études visent généralement à étudier chez d’autres espèces animales la présence ou l’absence de compétences cognitives connues chez l’homme afin d’en élucider l’origine évolutive.
Les cas de chiens capables de sentir la présence d’un cancer est-il également à ranger dans la catégorie de l’intelligence, ou simplement de l’instinct ?
Les chiens possèdent des capacités olfactives hors-pairs qui leur permettent de détecter certaines odeurs inaccessibles à l’homme. Depuis longtemps l’homme met à profit cette capacité. Les chiens sont utilisés pour traquer du gibier ou encore dressés pour détecter la présence de drogue dans les aéroports… Des études récentes montrent qu’ils peuvent également être entraînés à reconnaitre des molécules olfactives émises par les cellules cancéreuses. Cette capacité ne relève donc ni de l’instinct, ni d’une catégorie d’intelligence particulière, mais simplement d’une aptitude à apprendre par conditionnement, ce qui est largement présent dans le règne animal.